15/06/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

Une autre expression du pinceau

01/05/1991
La balustrade brisée. (Dynastie Song, 960-1279.)

La peinture chinoise remonte à la plus haute antiquité de la Chine. Elle se compose avant tout aux scènes de genre. C'est un « âge d'or » de la représentation humaine ou de sa figuration qui s'étend jusqu'à la dynastie T'ang (618-907). Vers le milieu de cette dynastie apparaît la peinture de paysages, de fleurs et d'oiseaux qui prendra de l'essor. Les scènes de montagnes, de forêts, de champs ou de jardins offre à l'observateur l'oubli de ses soucis quotidiens pour le pénétrer dans un monde pur et calme. Cette illusion des scènes de la nature a été très goûtée des lettrés et des mandarins. Les végétaux et les animaux ont aussi été très admirés pour leur représentation si vivante. Ainsi, les paysages, les fleurs et les oiseaux sont devenues à la suite des personnages les trois thèmes majeurs de la peinture traditionnelle chinoise.

Sous les T'ang, puis les Song (960-1279), leurs souverains et la classe dirigeante ont été les plus ardents défenseurs de la peinture. Le contenu des œuvres de cette période est plus sérieux et possède un sens politique et éducatif. Leur style est plus élaboré et fleuri. La cour des Song a créé l'Académie impériale de peinture. Amoureux des beaux-arts et lui-même peintre et calligraphe accompli, l'empereur Houeï-tsong (règne 1100-1125) traita toujours avec honneur les peintres de cette académie et contribua par son patronage à la formation d'artistes prometteurs. Le rayonnement de cette académie a d'ailleurs atteint son apogée pendant son règne.

Cependant, en raison des transformations sociales, économiques et culturelles, de plus en plus de lettrés se sont mis à peindre, d'où l'influence croissante de la littérature sur la peinture. Au temps du célèbre homme de lettres de la dynastie Song, Sou Che [蘇軾] (1036-1101), de son autre appellation Sou Tong-p'o [蘇東坡], la peinture des lettrés naquit. Sous la dynastie mongole Yuan (1271-1368), en l'absence d'académie officielle de peinture à la cour, les styles de peinture ont connu quelque déclin. Dans le même temps, l'école de peinture des lettrés est alors devenue le courant principal, aussi la direction des cercles de peinture est revenue naturellement à ces peintres-lettrés.

Immortel au jeté d'encre, Liang K'ai. (Dynastie Song, 960-1279.)

Ces derniers ont donné libre cours à leur fantaisie, préconisant un style frais,libre, simple et élégant. Leurs thèmes de prédilection étaient la montagne et le rocher, le nuage et le cours d'eau, les fleurs et les arbres, les quatre chevaliers (la fleur de prunier, l'orchidée, le bambou et le chrysanthème). Comme ces éléments naturels sont d'une représentation plus aisée que le personnage humain, le peintre a laissé s'exprimer plus librement le pinceau et l'encre.

Le réalisme de la peinture chinoise a souvent fait l'objet de nombreux débats. Les uns pensent que l'art pictural chinois n'est pas réaliste, mais qu'il n'exprime qu'une part de la vérité. Ce réalisme a atteint son paroxysme sous les dynasties T'ang et Song. Cependant, dans la peinture chinoise, le réalisme recherché n'est pas le reflet de l'objet tel qu'il est perçu par l'œil, mais plutôt une expression de l'émotion qu'éveille cet objet chez l'artiste.

Ainsi, dans La balustrade brisée ou Tche k'an t'ou [折檻圖] de la dynastie Song, l'artiste ne s'est pas attardé à représenter les jeux d'ombre et de lumière sur les vêtements des personnages dans un espace et à un moment donné. Aussi est-ce la raison pour laquelle la peinture n'apparaît pas en trois dimensions. Sur une esquisse des tracés, le peintre utilise les diverses techniques de coloration à l'aquarelle pour obtenir un effet de clair-obscur et de nuances et représenter les forces du yin et du yang. Il exprime ainsi son sentiment de la nature éternelle et quintessenciée de son thème. En principe, la terrasse carrée fleurie, peinte en perspective, est plus large à l'avant qu'à l'arrière afin de tenir compte de l'effet optique. Mais en réalité, l'avant et l'arrière d'une terrasse carrée fleurie ont la même longueur; et c'est cette connaissance physique de l'environnement qui est exprimée par le peintre de La balustrade brisée. Dans son image, la terrasse carrée fleurie est représentée comme une surface plane avec des côtés égaux.

Dans une autre œuvre, Immortel au jeté d'encre, Léang K'ai [梁楷], de la dynastie Song, n'a pas voulu peindre le portrait d'un homme ordinaire de la rue. Il a expressément peint un ermite d'un autre monde. Par conséquent, il eut été inopportun de prendre un homme ordinaire comme modèle. La curiosité et les coups de pinceau hardis et vigoureux ne constituent que le strict nécessaire pour faire ressortir les traits caractéristiques de cet individu si extraordinaire. Cette peinture est représentative de l'école de peinture dite de l'inspiration libre.

Voyage en montagne, Fan Kouan. (Dynastie Song, 960-1279.)

La peinture chinoise est un art composé fondamentalement de tracés, tout comme la calligraphie chinoise. A cause de cette même particularité, ces deux arts ont été très tôt intimement liés. A l'époque où la peinture des lettrés devient prépondérant sous les Mongols, les hommes de lettres qui peignent se sont efforcés d'affermir le lien entre la peinture et la calligraphie. C'est sous cette forte influence de la littérature que s'est constitué les attaches étroites entre la poésie et la peinture. Les lettrés et mandarins sont à l'initiative de la fusion de la poésie et de la peinture qui a finalement pénétré l'académie de peinture. L'empereur Houeï-tsong est connu pour avoir usé de poèmes comme sujet des examens impériaux pour éprouver l'aptitude des peintres en les forçant à exprimer par l'encre et le papier le monde merveilleux de la poésie.

A partir de la dynastie Song, quelques artistes ont commencé à écrire le nom du donateur et du destinataire de leur œuvre ou à y apposer leur sceau discrètement dans un coin. Lorsque la peinture des lettrés montent en vogue sous la dynastie Yuan, les hommes de lettres pour manifester leur talent littéraire et calligraphique se mettent à y ajouter des commentaires personnels ou des strophes poétiques en rapport avec l'œuvre. L'écrit se taille ainsi une place importante dans la peinture. Et on observe une série de sceaux, signatures, noms (des donateur et destinataire), d'écrits prosaïques et poétiques sur le tableau même. Le sceau du peintre est ainsi devenu un usage établi. En y appliquant son propre sceau dont la gravure est également un art reconnu, le peintre a enrichi le contenu artistique de la peinture chinoise.

En ce XXe siècle, la République de Chine à Taiwan a connu de grands changements politiques, économiques, sociaux et culturels où l'art pictural n'a pas fait exception. Bien que la peinture traditionnelle chinoise occupe toujours une place importante dans la vie moderne des Chinois, de nombreux peintres contemporains préfèrent exprimer ce qu'évoque pour eux le temps présent. En combinant de nouveaux modes d'expression avec les techniques de la peinture traditionnelle, ils ont élargi le champ d'expression artistique chinois .

 

Crédits photographique du Musée national du Palais.

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